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Résistance Pédagogique 16
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11 décembre 2008

La Charente Libre du jeudi 11 décembre

QUAND LES ÉCOLES ENTRENT EN RÉSISTANCE
Les réformes de Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale, font des vagues.  Des écoles se mobilisent et des professeurs entrent en résistance
11.12.2008
Frédéric BERG

A Soyaux  mardi soir, huit écoles ont veillé pour des échanges entre profs, parents et élus •
Au départ c'était un chuchotement, puis une voix claire. C'est maintenant une polyphonie. L'école se réveille et mobilise. De plus en plus de profs, de parents, d'«amis» de l'éducation s'inquiètent des «menaces» qui pèsent selon eux sur l'école publique. Sur l'enseignement plus généralement. En Charente, une seule école, celle de Javrezac, avait allumé la lumière pour la première Nuit des écoles au mois de juin afin de dire «non» aux réformes engagées par Xavier Darcos, le ministre de l'Education nationale.

Cette fois, plus de cinquante écoles et quatre collèges organisent des moments de rencontre avec les parents, les élus et tous ceux que l'avenir de l'enseignement intéresse. Mardi soir à Soyaux, huit écoles ont ainsi joué les prolongations tard dans la nuit. A Aigre, une cinquantaine de personnes ont participé à un apéro-débat (lire en pages Ruffécois). Hier, une manifestation a réuni un bon millier de personnes à Angoulême: profs, parents, lycéens, auxiliaires de vie scolaire, etc. Demain, ce sont des dizaines d'écoles partout en Charente qui vont à leur tour «ouvrir le débat» autour de l'avenir de l'éducation (lire par ailleurs).

«ça fait froid dans le dos»

Ces «rendez-vous citoyens» permettent souvent des échanges assez riches avec d'un côté des professeurs visiblement très inquiets de ce que les «réformes Darcos» vont changer dans le quotidien des établissements scolaires et pour les élèves; de l'autre des parents souvent très surpris de ce qu'ils entendent. «Je découvre des choses incroyables et les médias n'ont pas beaucoup parlé de tout ça. Franchement, ça fait froid dans le dos», remarquait une maman mardi soir à Soyaux.

Dans les écoles transformées le temps d'un soir en forum, où les gâteaux secs et les mandarines côtoient une motte de grillon, les profs reconnaissent «innover, sortir des clous». Pour lancer la discussion, ils essayent de détailler les conséquences des réformes: «Création de jardins d'éveil à la charge des communes pour remplacer les maternelles, réduction du temps d'enseignement, suppression des aides spécialisées, les Rased, aux élèves en difficulté, postes supprimés, nouveaux programmes réducteurs et inadaptés, création des établissements publics d'enseignement primaire et menace des petites écoles, destruction des associations d'éducation populaire, fin des instituts de formation des maîtres, fin des BEP, dévalorisation du bac…»

A l'école Célestin-Freinet, une anecdote concrète: «Le voyage que les gamins ont fait l'an passé à Font-Romeu, c'est fini, plus de crédits.» Nadège, une enseignante de l'école maternelle voisine, enfonce le clou. «L'aspect familial des petites structures qui garantissait un suivi efficace, ça aussi c'est menacé, comme le principe de laïcité, d'égalité des  chances…»

Ali, un parent d'élève, se fâche. «On paye des impôts pour être solidaires, pour que les mêmes chances soient offertes à tous. Pas pour que le gouvernement donne des milliards aux banques…» Il promet de rester mobilisé. Certains parents imaginent des blocages symboliques d'écoles, des manifestations…

Juste à côté, à l'école Edouard-Herriot, des mamans réunies devant un tableau noir écarquillent les yeux en écoutant la journée d'Enzo, gamin de CP en 2012, une fiction que la réalité pourrait rattraper. Un scénario anonyme très noir, devenu en quelques mois un texte étendard qui ramasse toutes les inquiétudes: des classes surchargées, des élèves oubliés ou carrément exclus, des méthodes de travail aberrantes, etc.  «Une projection basée sur les textes actuels, les expérimentations en cours et les annonces du gouvernement», assurent les enseignants.

«La France d'en bas

abandonnée»

Fanta Diallo, élue PS d'opposition à Soyaux, a fait le tour des huit écoles «allumées» dans sa commune mardi soir. «Xavier Darcos a réussi à mobiliser tout le monde contre lui. J'ai l'impression que le gouvernement veut créer une élite et abandonner la France d'en bas, les enfants en difficulté. Ici ça ne passe pas.»

Nuit des écoles mais également désobéissance ou cybermobilisation, plusieurs enseignants de Charente entrent concrètement en résistance. Certains ont même posté une lettre à leur inspecteur hier pour dire qu'ils n'appliquent pas les nouveaux programmes (lire ci-dessous). Ces  «pédagos-résistants» affichent leur conviction. «On veut une école publique de qualité pour tous. On ne veut pas la perturber mais au contraire la protéger contre les menaces qui pèsent sur elle. Les mesures gouvernementales désorganisent petit à petit l'école publique et la menacent dans ses fondements. On doit résister contre ce dynamitage.» Une résistance qui commence à faire du bruit.

Les faits du jour en région
ONZE PROFS DES ÉCOLES ONT DÉCIDÉ DE DÉSOBÉIR
11.12.2008
Ils sont onze pour l'instant: Bruno Landreaud, Olivier Gibert, Sandrine Dupin-Bosselli, Dominique Castel, Xavier Favre, Christelle Baron, Benoît Vary, Sébastien Goyer, Hélène Dumas, Martine Plainfossé, Pascale Protzenko. Onze professeurs des écoles de toute la Charente qui ont décidé d'«entrer en résistance pédagogique non clandestine». Hier, juste avant la manifestation d'Angoulême, ces  «pédagos-résistants», comme ils se désignent, ont posté chacun une lettre à leur inspecteur (• photo Majid Bouzzit). Des lettres pour dire  «qu'en conscience», ils ne veulent pas appliquer les nouveaux programmes, qu'ils refusent de participer à la destruction des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased)…

Olivier Gibert, porte-parole, résume leur message: «On se positionne en tant qu'enseignants en refusant d'appliquer les programmes 2008 qui sont un véritable retour en arrière. On ne mettra pas non plus en application les heures d'aide individualisée mais on fera autre chose dans nos classes à la place. On se positionne également en tant que parents en refusant la destruction de notre formation, la création d'un service de remplacement qui induit que n'importe qui peut faire la classe sans formation. Et puis on se positionne aussi en tant que citoyens parce que les réformes Darcos préparent une destruction programmée de l'école publique. Le risque c'est de ne plus permettre l'égalité d'accès à l'école pour tous.» Ils appellent en outre les parents à venir dans les écoles pour s'informer sur les réformes à venir.

Les faits du jour en région

LE CRI D'ALARME DES ACCOMPAGNANTS DE VIE SCOLAIRE

11.12.2008

«Qu'on arrête de faire du bricolage», disent les  accompagnants de vie scolaire réunis au sein d'une association • photo S. C.

«On a acquis une expérience, développé des compétences, un savoir-faire auprès des enfants handicapés. Tout ça va être mis à la poubelle!» Ils sont une dizaine d'accompagnants de vie scolaire - EVS en contrat d'avenir ou AVS en contrat à durée déterminée - à exprimer leur colère et leur désarroi ce mercredi à Angoulême. Ils sont environ 180 dans le département de la Charente, comme eux, à être payés au Smic horaire, entre 740 et 820 euros par mois pour un vrai travail d'accompagnement des quelque 300 écoliers handicapés scolarisés en milieu normal. Ils les assistent dans les déplacements, les prises de notes, l'organisation, le suivi des cours. Ils se sont formés «sur le tas» pour une aide individualisée.

Attendus depuis longtemps par les parents, les accompagnants de vie scolaire sont devenus un rouage essentiel dans la prise en charge du handicap. «On nous demande de nous comporter comme des professionnels mais on ne nous considère pas comme des professionnels», déplorent-ils, en affichant leur ras-le-bol et leur inquiétude pour demain.

Ils savent que leur contrat, renouvelé généralement en décembre et en juin, n'excédera pas deux ans. Il leur faudra prévenir les enfants qu'ils suivent - deux ou trois en moyenne - et trouver un autre job. Ils ont le sentiment d'occuper une fonction sans avoir un vrai métier.

La preuve.  «On arrive sur un cas sans connaître son problème. On est soumis au secret professionnel mais on ne peut pas avoir d'information du milieu médical qui pourrait nous aider parce qu'on n'appartient pas au milieu. On n'a pas de légitimité», témoignent-ils.

Constamment entre deux chaises, deux missions, les accompagnants de vie scolaire souhaitent «une reconnaissance», «un statut», «une formation de qualité». Ils réclament, en manifestant comme hier soir à Angoulême ou dans une pétition qu'ils s'apprêtent à adresser à l'Education nationale: «La fin de cette situation de précarité».

Ils peuvent témoigner les uns et les autres de leur engagement. L'un a appris le braille pour mieux accompagner une élève aveugle. L'autre s'est familiarisé avec une méthode spécifique aux enfants dyslexiques pour être plus performant. Ils sont heureux de faciliter l'intégration de ces enfants. Ils aimeraient aussi qu'on facilite la leur. Dans la vie active.

Sylviane CARIN

Pays Ruffécois
UNE CONFRONTATION INSTRUCTIVE SUR L'ÉCOLE À AIGRE
Cinquante  personnes ont débattu des réformes de l'école dans un climat studieux. Prochain rendez-vous: Ruffec-Verteuil

11.12.2008
Thierry CORDEBŒUF

Une cinquantaine de personnes a participé à l'un des premiers débats sur l'école mardi soir à Aigre • photo T. C.

Pendant deux heures mardi soir à la salle des fêtes d'Aigre, près de cinquante personnes ont participé à un des premiers débats sur l'école organisés par les enseignants et les parents d'élèves (lire en page 3). Une quarantaine de rencontres sont prévues en Charente dont une à Ruffec mardi prochain (1). A Aigre, ce fut un débat bien ordonné et bien mené, au point d'oublier l'apéritif qui devait donner de la convivialité aux discussions. A peine le temps de se saluer et d'ajouter des tables pour loger tout le monde, et l'assistance entre dans le vif du sujet, laissant bouteilles et chips sur un coin de nappe.

Dans la grande salle aux murs roses accolée à la mairie, on compte un gros tiers d'enseignants, un petit tiers de parents et des élus dont le maire d'Aigre, Jean-Paul Ayrault, qui prend des notes, Philippe Combaud, son prédécesseur, ou encore les maires d'Oradour et de Fouqueure. Olivier Bourchemin, instituteur à l'école primaire d'Aigre, et Annette Bonnet, directrice de la maternelle, veillent au respect d'un ordre du jour qui balaye les réformes en gestation à l'Education nationale. «La grève ne nous satisfait pas plus que vous. On a imaginé ces débats pour exprimer notre désaccord et nos inquiétudes sans vous prendre en otage», précisera au cours de la soirée Lucile Barbotin, enseignante à Aigre elle aussi.

«Tout n'est pas négatif»

Si les enseignants présents contestent l'ensemble des mesures préconisées par le ministre Xavier Darcos, le débat à vraiment lieu ce mardi soir. Sur les enfants de 2 ans, par exemple, qui ne seront plus scolarisés: «Cela va pénaliser les familles modestes qui vont devoir payer. De plus, en milieu rural, il n'y a pas de structures suffisantes pour accueillir ces enfants», assure une institutrice. «L'école n'est pas faite pour arranger financièrement les parents; 2 ans, c'est trop jeune pour aller à l'école», rétorque une Aigrinoise. Une autre enseignante rebondit: «A terme, on supprimera toute la maternelle en vue d'une harmonisation européenne. En Angleterre, en Allemagne, en Italie, la maternelle n'existe pas.» Noëlle Longueville, directrice départementale de l'Education nationale, soupçonne le ministre de vouloir favoriser le secteur privé et appelle à «la mobilisation».

La suppression des réseaux d'aide spécialisés aux élèves en difficulté - les fameux Rased dont le rôle est expliqué avec clarté et conviction par Jean-Louis Jonquet en poste à Aigre et Villefagnan - est condamnée unanimement. En revanche, le débat rebondit sur les heures de soutien voulues par l'Etat. Les enseignants les fustigent, voyant dans cette mesure comme dans les autres une manière de mieux faire passer les suppressions de postes. Des parents défendent ce soutien:  «Tout n'est pas négatif, c'est une mesure utile.» Le débat a lieu encore mais dans le calme, avec de vrais échanges.

«Vécue comme une violence»

La création annoncée d'établissements publics d'enseignement, des structures regroupant une quinzaine de classes, inquiète encore. «Comment cela se passera en milieu rural avec un directeur itinérant?», interroge Brigitte Bouin, institutrice, qui craint «la disparition des écoles de proximité». Des participants interpellent les enseignants sur leur refus  «systématique» de toute réforme. «On est conscients que l'école doit progresser mais ces mesures sont prises sans concertation», justifie l'animateur. «On précipite les choses. La réforme des lycées est aussi vécue comme une violence et échouera car elle est imposée», prédit le principal du collège d'Aigre, un établissement préoccupé par son avenir. Le débat aborde aussi la fin programmée des détachements: «C'est la mort annoncée des classes de découvertes et de nombreuses associations», prévient Olivier Bourchemin. Finalement, l'apéritif a lieu, à 20h30, après deux heures intenses d'échanges instructifs. Pour les uns comme pour les autres.

(1) Apéro-débat mardi 16 décembre à 18h à la maternelle de Ruffec organisé par les enseignants  des écoles de Ruffec et Verteuil.

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